Les limites géostratégiques de l'UE mises en lumière par les derniers évènements

By Laura Nolasco Espino

 

DISCLAIMER: all opinions in this article reflect the views of the author, not the position of STAND UP FOR EUROPE.

 

Au moins, l'Europe n'a pas à subir la fameuse plaisanterie de Henry Kissinger (ancien secrétaire d'État américain) lorsqu'il a déclaré qu'il ne savait pas qui appeler lorsqu'il voulait appeler l'Europe. De toutes façons, personne n’appelle.  

 

Ces derniers temps, nous avons vu l'Europe passer du statut d'acteur international pertinent et utile à la transformation du monde, à celui d'ONG bien intentionnée ; dont les actions humanitaires sont bienvenues, mais dont tout le reste est relégué à l'arrière-plan.  

 

Au lieu de la puissance géopolitique dont Von der Leyen parlait lorsqu'elle est devenue président de la Commission, nous avons assisté à un déclin de l'Europe dans un certain nombre de domaines. Sur le plan économique, les chiffres parlent d'eux-mêmes : sur les dix plus grandes entreprises en termes de capitalisation boursière, sept sont américaines et trois chinoises. Le bilan en matière de R&D n'est pas non plus réjouissant. Prenons le cas de la France : en 2018, le budget R&D d'Amazon s'élevait à 23 milliards de dollars, tandis que le budget total du Centre national de la recherche scientifique, la plus grande organisation gouvernementale de ce type dans le pays, s'élevait à 3,7 milliards de dollars. 

 

Sur le plan diplomatique, l'Europe n'a pas toujours le courage de défendre ses valeurs et ses intérêts. L'Union européenne est confrontée à un voisinage instable et à des puissances extérieures de plus en plus agressives, mais nous hésitons parfois à nous élever contre ceux qui nous menacent. Alors que nos ancêtres se sont battus, et ont souvent sacrifié leur vie, pour faire progresser les droits de l'homme, nous sommes souvent incapables de publier une déclaration commune condamnant les violations des droits de l'homme en Chine. Lorsqu'une monarchie riche en pétrole est coupable d'avoir brutalement assassiné un journaliste et d'avoir provoqué la pire crise humanitaire au monde au Yémen, le silence de l'Europe est assourdissant. 

 

L'Europe doit accepter le fait qu'elle n'est plus le centre de la scène géopolitique et que celui-ci s'est déplacé vers des régions telles que l'Asie ou le Moyen-Orient, et doit donc répondre aux attentes de stabilité et de paix qui ont été suscitées ces dernières semaines depuis sa position stratégique en Europe de l'Ouest. 

 

Les 27 États membres ont toujours lutté au sein du Conseil de l'UE pour articuler une politique étrangère cohérente qui réponde à chacun des intérêts nationaux en jeu. Cette capacité est parfois limitée par les difficultés pour identifier des priorités stratégiques claires et par le manque de volonté d'unir les forces. Ce manque d'accord se produit également au niveau interinstitutionnel, comme nous l'avons vu ces dernières semaines lors de l'évolution du conflit entre Israël et le Hamas. 

 

Après une avalanche de messages contradictoires de la part des dirigeants nationaux et européens suite à l'éclatement du conflit entre Israël et le Hamas, un sommet extraordinaire s'est tenu mardi 17 octobre. Un sommet extraordinaire, au cours duquel, les dirigeants ont tenté de dissimuler cette absence de consensus dans les premiers temps, craignant de nuire à l'image de l'Europe en tant qu'acteur international et de détériorer les relations avec les pays de la région.  

 

La confusion a été semée sur les médias sociaux quand il y a eu des messages mixés de manière prémature de la part des représentants européens et nationaux, sans qu'une réunion des 27 n'ait été organisée pour discuter de la question. Par conséquence, ça a donné l'impression que l'UE était un mélange d'opinions et qu'il n'y avait pas de position officielle unique.  

 

En réponse à cette situation, le Haut Représentant, Josep Borrell, s'est montré ferme et a condamné les attaques menées par Israël, arguant qu'Israël a effectivement le droit de se défendre contre les attaques, mais que cette défense doit toujours s'inscrire dans le cadre du droit humanitaire international. Il a réitéré cette position devant l'Assemblée européenne à Strasbourg le mercredi 18 octobre. 

 

Le contraste est présent, mais y a-t-il eu un changement de ton ? En effet, les États membres sont conscients des dommages causés par les multiples positions exprimées, qui ont accompagnées la plaisanterie de Kissinger sur la question de savoir qui appeler lorsque l'on veut s’adresser à l'Europe. Nous avons reproduit exactement le même scénario.  

 

S'ils veulent vraiment préserver les ambitions de l'UE d'être un acteur géopolitique qui respecte le droit international et l'ordre multilatéral fondé sur des règles, les dirigeants de l'UE devront unir leurs priorités et s'efforcer de présenter une Europe unie et responsable. Cette Europe pourrait être pertinente dans un monde en constante évolution et retrouver sa légitimité, érodée ces derniers temps. 

 

 

Littérature 

Gallon, J.  (2019). Reversing Geopolitical Irrelevance - Unity as Europe’s Way Forward. CIRSD. https://www.cirsd.org/en/horizons/horizons-summer-2019-issue-no-14/reversing-geopolitical-irrelevance-unity-as-europes-way-forward  

Brzozowski, A. (2023). Some differences remain as EU leaders seek cohesion on Israel-Hamas war. Euractiv. https://www.euractiv.com/section/global-europe/news/some-differences-remain-as-eu-leaders-seek-cohesion-on-israel-hamas-war/  

Kuzio, T. (2021) How to solve EU’s irrelevance in its own neighbourhood. Clingendael Spectator. https://spectator.clingendael.org/nl/publicatie/how-solve-eus-irrelevance-its-own-neighbourhood  

Karnitschnig, M. (2023). How the Israel-Hamas war exposed the EU’s irrelevance: As global crises intensify, the ‘geopolitical’ Continent is left watching from the sidelines. Politico. https://www.politico.eu/article/israel-hamas-war-europe-eu-power-irrelevance/