La crédibilité et la visibilité de l’Union européenne sur la scène internationale

Confrontée à un ordre mondial complexe et fragile, l’UE parait incroyablement timide et faible dans ses relations avec le monde.
En regard du rôle majeur qu’elle pourrait prétendre jouer sur la scène internationale, comment renforcer la crédibilité et la visibilité de l’UE

  •  dans le champ des relations diplomatiques et de la défense?
  •  au niveau des échanges commerciaux et de la coopération avec les puissances émergentes?
  •  en matière de l’aide au développement?
  •  sur le sujet de la coopération et des partenariats stratégiques avec les organisations internationales?

Dans ce contexte, quels sont les moyen à mettre en oeuvre et les propositions de Stand up for Europe afin que l’UE puisse réellement prétendre et assumer une véritable stature mondiale dans ses relations extérieures et parler d’une seule voix dans un monde devenu multipolaire?

1. Etat des lieux:
Les rapports de l’UE avec le reste du monde sont nombreux et variés mais ne sont pas l’image de la stature mondiale à laquelle pourrait prétendre l’UE dans sa volonté de cimenter tout un continent.
Le dernier traité de Lisbonne a conduit à une évolution majeure dans le domaine de l’action extérieure avec la création du poste de haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et la mise en place de la branche diplomatique de l’UE à savoir le service européen pour l’action extérieure (SEAE).
Le haut représentant (actuellement Mme Federica Mogherini), exerce, dans le domaine des affaires étrangères, les fonctions précédemment assumées par la présidence tournante semestrielle, par le haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (Xavier Solana) et par le commissaire européen chargé des relations extérieures.
Le SEAE assiste la haute représentante en veillant à la coordination et à la cohérence de l’action extérieure de l’Union.
Il assiste également le président du Conseil européen (Donald Tusk) et assure une coopération étroite avec les Etats membres.

2. Faiblesses:
Absence d’unité, de vision et de direction commune de la politique étrangère et de sécurité commune liée notamment aux dysfonctionnements du chantier institutionnel et à l’absence d’union politique de l’UE.

  • Défaut de cohérence de l’action extérieure de l’Union représentée par le SEAE, avec les
    ambassades individuelles à travers le monde, de chaque Etat membre.
  • Acteur de second plan dans la consolidation des processus de paix liés aux grands conflits
    dans le monde
  • Défaut de cohérence dans la politique d’aide au développement de l’UE qui ne profite pas de
    son statut de 1er pourvoyeur d’aide au développement en raison de la multiplicité des aides
    bilatérales des Etats membres sous couvert de leurs souverainetés respectives.
  • Absence de politique de défense commune avec pour seuls dispositifs, des moyens très
    limités pour contribuer à la sécurité dans le monde.
  • Non représentation spécifique de l’UE au sein des grandes institutions internationales,
    organisations mutlilatérales et grands bailleurs de fonds internationaux et régionaux
    notamment FMI, groupe de la Banque Mondiale, Banque Interaméricaine de
    développement, Banque asiatique de développement, Banque européenne de
    reconstruction et de développement, Banque Africaine de développement: dans ces grandes
    enceintes internationales, l’Europe ne parle pas d’une seule voix.
  • Application fréquente au détriment de l’Europe, de restrictions et distorsions dans les échanges commerciaux.

3. Propositions d’amélioration:
A défaut d’union politique, mettons en œuvre concrètement des initiatives à haute valeur symbolique susceptibles de créer des effets d’entrainement; dans ce contexte, modifions le titre de la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et osons la qualifier de Ministre des Affaires étrangères de l’UE avec de vraies prérogatives décisionnelles et organisationnelles.
De même pour les délégués du SEAE, qualifions les une fois pour toutes, ambassadeurs de l’UE dotés de vraies prérogatives décisionnelles et organisationnelles. Enfin pour les commissaires en charge des politiques communes et donc de matières de la compétence exclusive de la CE en lien avec le monde extérieur, ( telles que le commerce, la concurrence, les affaires monétaires, l’environnement, la R&D), utilisons avec audace le vocable “Ministres de l’UE” (au lieu de commissaires) pour les désigner.
Cessons de pratiquer l’angélisme du libre-échange et sanctionnons les restrictions commerciales infondées et délibérées par la mise en place de droits antidumping (ex: taxes sur les panneaux solaires chinois); dans nos échanges commerciaux nous devons impérativement nous affirmer comme une puissance unie et apparaître dans les faits comme l’acteur majeur que nous représentons dans le commerce mondial; dès lors il nous faut partir à la chasse de tous les instruments protectionnistes mis en place par certains grands pays tiers et si nécessaire oser prendre des mesures de rétorsion en assumant à part entière notre position de plus grand bloc commercial du monde.
Dans un domaine à priori plus aisé qui est l’aide au développement, il parait urgent d’agréger et de mutualiser les contributions de chaque pays membre au travers d’une action volontariste, coordonnée et centralisée par l’UE de manière à tendre vers une politique commune d’aide au développement dépendant en dernier ressort de l’UE.

Pour mémoire l’aide au développement de l’UE et des Etats membres représentent un montant global annuel de près de 60 mia euros, ce qui fait de l’UE le principal pourvoyeur d’aide au monde. Ce mode opératoire de mutualisation européenne de l’APD (Aide pubique au développement) permettrait d’optimiser l’allocation de ressources rares et de se calquer sur le
modèle de l’UE en matière d’aide humanitaire; l’aide humanitaire de l’UE (ECHO) est en effet exemplaire et permet de réagir de manière coordonnée et efficace à toute situation d’urgence internationale.

Il parait tellement évident que l’UE se doit de parler d’une seule voix au sein des grandes organisations internationales comme le FMI, la BM, la BID, la Berd, la Bad etc...; dans les faits chaque Etat membre se fait représenter; cette gabegie coûteuse de repésentations devrait disparaîre une fois pour toute et laisser la place à une représentation unique et spécifique de l’UE au sein des institutions internationales et Banques régionales de développement.

Nonobstant ce qui précède, la stratégie de l’Europe dans ses relations extérieures doit prendre en compte en priorité la mise en place d’une politique commune de la défense; cette question de fond relève de l’Europe “puissance” dans le nouveau monde polycentrique qui nous entoure et qui n’attend plus; nous ne sommes plus en 1914, le monde est multipolaire et il est plus que temps de se doter de l’attribut classique d’une puissance à savoir une défense commune qui fait actuellement
totalement défaut: cette politique de défense commune doit couvrir à la fois une capacité militaire autonome sous drapeau européen et soutenir aussi une industrie européenne de la défense ( ex: AM400: avion de trasport militaire polyvalent); actuellement la contribution européenne à la sécurité et la stabilité mondiale est surtout constituée de formation et de soutien alors qu’il faudrait mettre à l’ordre du jour un véritable déploiement de moyens militaires; dans ce but une coordination systématique des capacités militaires et des investissements au sein des Etats membres, s’impose plus que jamais et doit être encadrée au travers d’une stratégie européenne: un effort particulier doit être entrepris en matière de coopération dans l’industrie de la défense et la recherche et le développement militaire; rappelons-nous qu’en 1952, le traité de CED (Communauté Européenne de la Défense) porté par le visionnaire qu’était Jean Monnet a été signé par 6 Etats mais rejeté par la France le 30/08/1954.....les temps ont changé tant au niveau des parties prenantes que de l’environnement géopolitique international avec de nouvelles décisions urgentes à prendre.

Outre ce qui précède, l’identité européenne sur la scène internationale doit enfin couvrir d’autres priorités stratégiques notamment:

  • La régulation macro-économique
  • La lutte contre le terrorisme international
  • La modernisation de la protection sociale
  • Les enjeux énergétiques
  • L’innovation technologique

4. Atouts spécifiques:
La stratégie européenne déployée dans le monde peut aussi capitaliser et tirer avantage de certains atouts et points forts inhérents à l’Union européenne notamment:
L’UE est historiquement attachée aux droits de l’homme et veille à garantir leur respect universel; c’est pourquoi l’UE place les droits de l’homme au coeur de ses relations extérieures que ce soit dans le processus d’élargissement aux nouveaux membres, dans les dialogues politiques qu’elle mène avec les pays tiers ou dans sa politique d’aide au développement.
Le dispositif de réaction aux catastrophes et aide humanitaire constitue un modèle de coopération de l’UE.

L’UE peut se prévaloir d’être un fer de lance dans le processus de négociation sur le changement climatique en vue de parvenir à un accord international juridiquement contraignant; à ce titre l’UE représente un acteur de premier plan au niveau international dans la lutte pour la réduction des gaz à effet de serre.
En dépit de certaines faiblesses apparentes, l’UE constitue le plus grand bloc commercial du monde; le commerce est une politique commune et dans ce contexte l’UE a la capacité (même si la volonté fait souvent défaut) de parler d’une seule voix lors des négociations avec les partenaires internationaux.

Conclusions:
De tout ce qui précède il est manifeste qu’il nous faut urgemment et prioritairement mutualiser les dépenses de défense, des services diplomatiques, de l’aide au développement, de l’aide humanitaire et des représentations des Etats membres au sein des enceintes internationales dans une triple logique, d’abord politique, pour assurer que l’Union réalise ses ambitions sur la scène internationale, ensuite dans une logique opérationnelle, pour donner à l’Europe la capacité d’agir sur le terrain et
enfin dans une logique économique, pour garantir des emplois et stimuler l’innovation en période d’austérité.
Et sans doute par-dessus tout dans une logique citoyenne, par respect, en ces temps difficiles, du citoyen européen.